Sortir du brouillard

Je suis au bout d' un chemin blanc satin où je peux presque arracher, avaler quelques morceaux d' un brouillard opaque, d' une beauté que je serais bien incapable de décrire.

Je plonge mes deux mains à travers lui, délicatement, avec un infini plaisir...

Je me faufile dans cet espace cotonneux avec une nostalgie délicieuse.

Je prends tout mon temps. Je commence à savoir faire...

Je me permets même d'avoir envie de m' y perdre encore un peu.

On ne sort pas du brouillard comme on sort d' un mauvais rêve .

Pour en sortir , il faut cheminer longtemps .

A chaque fois , c' est une très longue ascension .

Il faut être courageux, enragé... et tellement que j' en perdrais parfois la raison.

A chaque fois, c' est une très belle ascension.

En ces moments-là, je sais que le bonheur existe.

Il faut avoir goûté au malheur et au désespoir pour être convaincu de l' existence du bonheur.

En ces moments d' efforts et de relâchements incessants de la conscience et de l' inconscience, je me sens vraiment exister.

Non, on ne sort pas du brouillard sans une extrême détermination, sans impulsion, sans instinct de survie, sans souffle de vie.

Cet endroit, je le connais bien. Trop bien...

C' est là-bas que j'ai toujours puisé mes richesses et où mes faiblesses m' ont été révélées.

Je ne peux plus dire que ce soit un endroit hostile,

C' est un endroit où j' apprends tant de choses sur moi , sur vous...

J' ai toujours su ne pas m' y attarder trop longtemps.

Par chance ou par conscience, j' ai toujours pu retrouver mon chemin.

C' est toujours effrayant d' y retourner.

C' est toujours effrayant d' avoir la sensation de se perdre.

Cette sensation d' engloutissement, de chaos...

On le voit toujours se profiler au loin...

Par vagues dodues, dansantes et envoûtantes...

J' ai toujours cru pouvoir l' esquiver.

Et puis, sournoisement, il m' enveloppe, me serre, me contentionne tant et si fort qu' un beau jour, je me réveille moi-même brouillard.

Il s'installe confortablement et impose sa loi.

Alors, je sais que la tâche sera rude, fastidieuse, douloureuse afin de dissiper la brume.

Ce travail, on peut aussi y renoncer...

Mais, lorsqu' on a goûté au bonheur...!

J' y retournerai peut-être un jour, sûrement...

J' ai tellement voyagé en ces terres...

J' accepte aujourd' hui.

J' accepte le fait qu' il fasse partie de mes mouvements intérieurs.

Pourrais- je l' apprivoiser un jour ?

J' aurai peur d' y retourner, oui...

Mais, certaine d'en revenir plus riche et plus heureuse...

Heureuse, comme en ce jour où j' ai encore un peu plus le courage d' être moi.